L'amour - Sartres
- Margaux MATHE
- 11 mai 2023
- 5 min de lecture
Dernière mise à jour : 12 mai 2023
L'amour exclusif, c'est le corbillard de l'amour.
L'amour, c'est le désir de s'approprier l'autre comme être libre. Aimer, c'est le désir de s'approprier l'autre.
S'unir, c'est ne faire qu'un avec l'autre; l'union amoureuse, c'est d'abord l'union physique de l'acte sexuel.
Aimer, c'est le projet d'être aimé; l'amour, c'est vouloir être aimé.
Il n'y a pas d'amour, que des preuves d'amour, alors l'absence de preuves est la preuve de l'absence de l'amour de l'autre.
L'important n'est pas la réalité du sentiment, l'important est la réalité de l'apparence du sentiment.
L'amour, c'est d'abord le désir de possession. Dire je t'aime à quelqu'un, c'est attendre qu'il réponde moi aussi. Dire je t'aime, c'est dire "est-ce que tu m'aimes?"
Etre en couple, c'est affronter à deux des problèmes que l'on n'aurait pas seul.
Vérifier que l'être aimé est digne de notre amour.
Mon attente de réciprocité me transforme en colonisateur de la conscience de l'autre.
Le vrai amour serait l'amour désintéressé qui n'attend rien en retour. Qu'est-ce que le vrai amour sinon celui que nous recherchons tous? L'amour que nous désirons est un amour partagé, qui peut voir son reflet dans le regard de l'autre. L'amour que nous voulons c'est l'amour qui se manifeste par le désir de l'autre. Un amour qui réclame la présence de l'autre. [...]
Dans les faits, lorsqu'on parle de l'amour, on parle de l'amour passion. L'amour n'est pas seulement un sentiment. La question que l'on peut se poser est "quelle est la nature du sentiment amoureux?", car l'amant cherche à s'approprier la liberté de l'être aimé. Et c'est normal. Mais ce n'est pas parce que c'est normal que je ne cherche pas à me l'approprier. C'est ainsi que je l'asservis à mes exigences.
Aimer, c'est vouloir que l'autre soit comme je désire qu'il soit.
Ma souffrance n'est que la conséquence du désir que j'ai eu d'asservir l'autre à ma volonté.
Aimer l'autre, c'est l'aimer dans la mesure où son comportement répond à nos attentes.
C'est l'amour le plus fort qui provoque les rancœurs les plus fortes.
S'il y a déception amoureuse, c'est toujours l'autre qui est perçu comme responsable. De ce point de vue, nous sommes tous des "mal-aimés".
"Aimer, c'est le désir de s'approprier l'autre comme être libre." Ce qui signifie qu'aimer, c'est le désir de possession de l'autre en tant qu'être libre.
Quand deux personnes s'aiment, elles sont unies par une double ignorance. On ignore pourquoi on aime l'autre, on ignore pourquoi l'autre nous aime.
Ce qui rend l'amour de l'autre digne de valeur, c'est qu'il aurait pu ne jamais être.
L'amour doit venir d'un être libre de nous aimer, ou de ne pas nous aimer.
On tombe amoureux de quelqu'un dont on ne peut fondamentalement pas contrôler les sentiments.
L'amour de l'autre n'a de valeur que parce qu'il est libre.
Paradoxe: ce que nous aimons dans l'autre, c'est le pouvoir qu'il a de ne pas nous aimer.
Un amour non réciproque, c'est l'échec de notre amour.
Nous voulons que l'autre nous aime parce qu'il n'a aucune raison particulière de nous aimer.
Le mariage est un engagement moral, mais un amour issu d'un engagement moral perd de sa valeur. Pourquoi promettre quelque chose qui ne dépend pas de nous? L'engagement, c'est l'inverse de l'amour car l'amour n'est pas un contrat et ne relève pas de la morale.
Que vaut un amour qui ne repose que sur le respect d'un contrat?
L'amour c'est la liberté qui choisit sa voie.
La condition humaine se définit par sa liberté. L'homme a le pouvoir de faire ce qu'il choisit de faire. Malgré un enchaînement de cause à effet, on a toujours le choix. L'être humain est une liberté en action.
L'autre est celui qui échappe à ma maîtrise.
Lorsque nous aimons quelqu'un, nous aimons une liberté, nous aimons une transcendance.
Nous aimons l'autre à proportion de son pouvoir de ne pas nous aimer.
Paradoxe : L'amour est à la fois le désir d'asservissement et le rejet d'asservissement.
Le drame de l'amour c'est sa contradiction : quand l'amour de l'autre est acquis, notre amour s'en va à la recherche d'une nouvelle transcendance à conquérir.
Source : Le précepteur
Finalement, selon moi, qu'est-ce que l'amour?
La beauté de l'amour, ce qui rend l'amour si beau et attachant, c'est que l'amour de l'autre pourrait ne pas exister. Ce qui stimule l'amour que quelqu'un éprouve pour nous-même, c'est que cette personne pourrait ne pas nous aimer et justement, le fait que cette personne soit libre de nous aimer ou de ne pas nous aimer, donne une sorte d'atmosphère d'incertitude car on ne sait réellement si quelqu'un nous aime maintenant, si cette personne nous aimera demain, ou si cette personne nous aime tout simplement. Et l'incertitude est tout autant plus forte que nous ne savons pas pourquoi cette personne nous aime si elle nous aime; et nous ne savons pas non plus pourquoi exactement nous l'aimons si nous l'aimons.
De plus, nous ne pouvons à aucun moment savoir si quelqu'un nous aime réellement si aucune preuve ni démonstration concrète ne nous est "montrée".
Donc on se rend compte que l'amour est, finalement, un ensemble, un assemblage d'une multitude d'incertitudes qui le rendent contradictoirement solide.
L'amour étant décrit et défini comme un désir de possession, de vouloir posséder l'autre dans son entièreté, est plein de paradoxes. L'amour a cette particularité d'être incontrôlable, c'est ce qui le rend si beau, spécial et si particulier des autres sentiments.
Et pourtant, derrière cette douceur, il a une face -l'amour- plutôt malsaine par cette envie, ce désir de s'approprier l'autre pour notre propre "bonheur". Etre avec l'autre, avoir l'autre est un moyen de se rassurer soi-même. Ce qui nous rend impuissant, c'est de ne pouvoir réussir à contrôler, à savoir exactement ce que l'autre pense, ce que l'autre ressent. D'où ce désir de possession, de conquête permanente. Car la nature de l'amour est présentée comme une conquête permanente et infinie.
Lorsque les rois conquéraient des territoires, ils s'en désintéressaient après l'avoir obtenu, et naturellement, allaient en quête de terres inconquises et inconnues pour se les approprier comme un nouveau défi.
Comme si cette conquête était un moyen de flatter leur égo, leur fierté : "j'ai eu ce territoire, alors je veux pouvoir tous les avoir. "
C'est pour cela qu'ils se battent pour conquérir une terre, et une fois acquise, s'en lassent, la laissent tomber et en cherchent une autre.
Alors que dans le cas inverse, un territoire qui leur tiendra tête, qui refusera de se soumettre, qui lui, échangera les rôles : le territoire deviendra conquérant et le roi deviendra l'élément à conquérir. Dans ce cas, le roi sera dans un état, une situation particulière. Une sorte de frustration; le roi sera obstiné, obsédé par cette terre qui lui tient tête.
Il se battra avec plus d'intérêt, plus d'intensité, plus de volonté. Et même si par exemple, le roi décide de laisser tomber le territoire parce que, finalement, il se sera rendu compte que ce n'est qu'un bout de terre qui n'en vaut pas la peine, qui ne lui apportera rien sur le long terme; même après de nouvelles conquêtes plus ou moins intéressantes, le souvenir de cette "défaite" restera gravé dans son esprit pendant quelques temps, même si ce territoire a été rayé de la liste de terres à asservir.
Et voilà. C'est là que nous venons de mettre un point sur le mot clef, le mot qui résume l'amour : asservir.
L'amour, c'est ça:
L'amour, c'est vouloir et chercher à asservir, mais -et- refuser de l'être.
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